Pourquoi Twitter maltraite-t-elle ses utilisataires ?

CW : description du point de vue d'un·e prédataire domestique, politique.

Lorsque j'ai dit à un camarade de promo vouloir prouver la maltraitance numérique, il m'a répondu que Twitter était sans doute le réseau social le plus adéquat pour le faire. Pourquoi ? Simplement car l'optimisation pour l'engagement n'est qu'une arnaque, et que la maltraitance n'est qu'une arnaque impliquant une relation prolongée entre læ maltraitant·e et sa victime. Qu'il s'agisse d'argent, de travail domestique, de sexe, ou/et de traiter un mélange de haine et de désespoir en amenant autrui à s'autodétruire, il y a toujours une question économique derrière ça, de rapports sociaux, de structures sociales, et souvent de travail non-rémunéré. Par exemple, dans le cas d'un·e prédataire cherchant notamment à détruire sa victime, on peut se poser des questions quant à sa prise en charge alors qu'iel était encore mineur·e, et donc quant au financement de l'Éducation nationale, de la santé, de la protection sociale de l'enfance, etc. Réduire le budget de la protection sociale de l'enfance, comme M. Macron l'a fait, revient mécaniquement à détruire des vies et à laisser des représentant·es d'institutions indignes (famille, école…) transformer des enfants qui méritent mieux en prédataires, en monstres. (Il faudrait encore étudier l'impact du définancement d'autres institutions, comme les caisses d'allocations familiales, de la culture, etc. sur ces institutions, de même qu'il faudrait analyser l'impact des programmes scolaires, je pense à l'enseignement de la sociologie, sur le racisme, le mépris de classe et la hiérarchisation de la culture, que l'on trouve dans l'enseignement secondaire.) Bref, monnaie et maltraitance sont étroitement liées et c'est sans doute parce que le capitalisme est une gigantesque et monstrueuse arnaque qu'il est responsable de la plupart des situations de maltraitance vécues par les personnes mineures, raison pour laquelle iels sont effacé·es du débat public, notamment en tant que consommataires de médias bourgeois et donc que téléspectataires. De même, c'est parce que l'optimisation pour l'engagement amène des utilisataires à produire et consommer des assets, et donc des publicités, en utilisant des produits qui ne sont pas faits pour elleux, et donc que c'est une arnaque, que l'on ne peut pas sérieusement exclure la maltraitance de son analyse.

En d'autres termes, Twitter est un excellent terrain pour étudier la maltraitance numérique car ce « réseau social » ne correspond qu'à des usages typiques de cadres, qui seront amené·es à étudier ce sur quoi iels travaillent (plutôt que de simplement accumuler de l'expérience au sens d'un·e ouvrièr·e non-qualifié·e) pour progresser dans leurs carrières, qui sont encore une fois une notion très différente selon que l'on soit ingénieur·e en développement informatique ou manutentionnaire dans un supermarché (les lettres de motivation pour ces deux types de postes serviront donc des objectifs très différents) : un·e bon·ne cadre a, en principe, un projet ou un domaine de prédilection, laissé à sa discrétion, sur le long terme (un·e développeur·euse pourra ainsi s'intéresser à la performance sur des systèmes embarqués, à la sécurité des programmes, etc.). En bref, Twitter est utile à des personnes disposant déjà d'un capital culturel important car elles peuvent y parler de leurs projets, auprès de leurs pairs, et donc, à travers les mêmes notifications et les mêmes métadonnées, y jauger l'intérêt général et en même temps garder une certaine motivation grâce au même circuit de stimulation-récompense qui nourrit, chez les pauvres, des addictions et donc la tombée, facilitée par un certain nombre de dispositifs, dans des institutions totales (c'est-à-dire dans un grand isolement normatif et culturel, l'institution déterminant les normes et les consommations culturelles prescrites et jugées acceptables), dont le caractère addictif et l'ubiquité en généralisent les prescriptions dans ce qui devrait tenir lieu de vie quotidienne (cf. Berger et Luckmann, 1966).

Twitter maltraite donc ses utilisataires car, comme Mastodon aujourd'hui, c'était initialement un bon réseau social pour les cadres, son usage consensuel étant donc restreint à un petit nombre de personnes, l'optimisation pour l'engagement permettant de faire maintenir une présence active à toutes les personnes qui, autrement, n'y verraient aucun intérêt. À l'inverse, Facebook est un réseau social plutôt utile pour un plus grand nombre de personnes : pas pour les introverti·es, pas pour un certain nombre de personnes autistes, surtout lorsqu'elles sont jeunes, mais ses groupes, ses événements, ses affordances pour indiquer son anniversaire, son statut marital, etc. sont réellement utiles et notamment aux personnes les plus « sociales », les plus « extraverties ».

Références

Berger P.L., Luckmann T., 1966, The social construction of reality: a treatise in the sociology of knowledge, Garden City, New York, Doubleday, 203 p.

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